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Histoires de famille

Un destin familial traversé par les guerres à Blâmont en Lorraine

Le destin de la famille Campion-Séliquer du village de Blâmont en Lorraine. J’ai choisi de vous raconter leur histoire car elle fait partie de celles qui sont oubliées dans ces villages qui ont subi de plein fouet les guerres mais aussi les Libérations. Histoire oubliée par le temps mais peut-être aussi par l’absence de descendants… Dû à l’Histoire elle-même.

Blâmont, en Meurthe-et-Moselle

Naissance à Baccarat

Eugène Campion né le 31 août 1867 à Baccarat en Meurthe-et-Moselle. Oui, il s’agit bien de la ville célèbre pour sa cristallerie ! Son père était d’ailleurs verrier et sa famille est arrivée dans cette ville au début du 19ème siècle. On apprend dans son état civil qu’Eugène (on va l’appeler par son prénom pour simplifier le propos !) est né dans la maison de Jean-Baptiste Muraux, rue de Humbepaire, en centre-ville. A quelques minutes à pied de la cristallerie. Il passe son enfance à Baccarat et part à Nancy à l’âge de 21 ans pour réaliser son service militaire entre 1888 et 1891. Il rejoint le 8ème Régiment d’artillerie le 12 décembre 1888, devient canonnier conducteur le 17 mai 1890 puis brigadier le 15 novembre 1890.

Retour dans sa ville d’enfance, Baccarat, pour la fin d’année 1890. Il y restera peu de temps puisqu’il va rejoindre Blâmont, la ville de sa future épouse. L’heureuse élue est Marie Lucie Séliquer. Elle née dans cette commune le 26 février 1872. Ils s’y marient le matin du mardi 19 avril 1892. Quatre témoins sont présents dont un beau frère d’Eugène, tailleur de cristaux, un cousin employé des chemins de fer, un oncle de Lucie, serrurier (pas de problème pour ouvrir les portes chez les Séliquer, plusieurs membre de la famille sont serrurier) et sans doute un ami, employé. Ils s’installent tous les deux rue du Château, en centre-ville de Blâmont.

La naissance de leur premier enfant

Quasiment un an après leur mariage, le 15 avril 1893, c’est la naissance de leur premier enfant ! Il est nommé Robert Jules Campion. Les recherches nous apprennent qu’il était employé pour les Etablissements Bechmann (entreprise de textile) et célibataire. Très peu d’informations sont disponibles sur la vie de Robert. Vous comprendrez rapidement pourquoi dans quelques lignes.

3 ans plus tard en 1896 il s’installent quelques rues plus loin dans une maison de maître au 12 rue Traversière à Blâmont. C’est la maison dont a hérité Lucie Séliquer de ses parents. Ils y passeront toute leur vie de famille. On apprend dans le recensement de la même année qu’ils vivent d’ailleurs avec Adeline Fonnet, la mère de Lucie alors âgée de 45 ans.

Les bonnes nouvelles continuent en ce début d’année 1899. C’est la naissance de leur second enfant, Etienne Maurice Campion. Il né avec deux témoins autour de lui : un limonadier, Alfred Moitrier, et un secrétaire de mairie, Charles Receveur. Etienne aura une belle carrière. D’abord employé de commerce, il deviendra commis greffier puis greffier de la justice de paix de Cirey-sur-Vezouze (Meurthe-et-Moselle). Les justices de paix sont des juridictions de proximité présentes dans les cantons français entre 1790 et 1958.

1901 : une anecdote amusante (enfin, pas pour l’intéressé !). Le journal régional L’Est Républicain apprend à ses lecteurs qu’Eugène Campion s’est fait voler son porte-monnaie. Il contenait 4 francs et divers papiers. Je tenais à ajouter cette information pour montrer que la généalogie permet aussi d’apporter ce genre de détails qui permettent parfois de recontextualiser la vie de nos ancêtres.

1903 : Eugène devient Lieutenant sapeur pompier pour la commune de Blâmont (information importante pour la suite).

Archive du journal l'Est Républicain de 1903
Archive du journal l’Est Républicain, jeudi 23 juillet 1903

1907 : la maman de Lucie Séliquer qui vivait jusqu’à maintenant avec eux, décède le 12 septembre à l’âge de 56 ans.

1914 – 1918

Si vous avez bien suivi la chronologie, vous vous doutez que nous arrivons en 1914… Avec l’arrivée de la Première guerre mondiale. L’armée allemande envahit Blâmont dès le 8 août à 18h00. Quelques jours plus tard, le 15, Eugène Campion est appelé pour mener la campagne contre l’Allemagne. Il part pour Bourbonne-les-Bains (Haute-Marne). Sa mobilisation militaire dure jusqu’au 25 février 1915. En tant que sapeur pompier sa présence est indispensable à Blâmont. Il restera toutefois à la disposition du Ministère de la guerre.

L’histoire est plus dure pour le premier fils de Lucie et Eugène… Même terrible. Robert s’est engagé volontairement dans l’armée en 1911 dès qu’il eut 18 ans. Il s’engage pour 3 ans dans le 20ème Bataillon de chasseurs. S’ensuit donc une mobilisation pour la Première guerre mondiale. Comme son père il part en Haute-Marne mais avec le 106ème Régiment d’infanterie. L’Histoire nous apprend que ce Régiment vit lors de la Première guerre mondiale « une des luttes les plus meurtrières et les plus pénibles de toute la guerre. L’ennemi s’acharne pour la possession de la crête lors de la Bataille des Eparges. Les attaques et les contre-attaques, les combats au corps à corps et à la grenade, sous un bombardement d’obus de tous calibres et sous l’écrasement des torpilles se renouvellent, sans arrêt, pendant une période de 5 mois dans les conditions les plus pénibles. ». On ne sait pas si Robert participe à ce combat mais il fait bien partie de ce régiment. Ce qui est sûr c’est qu’il décède entre 1914 et 1918 et une stèle lui rend hommage à la Nécropole de Florent-en-Argonne. On ignore où son corps est retrouvé et à quelle date précise.

En 1915 sa mère Lucie est évacuée à Villefranche. Son frère Etienne est âgé de 16 ans. On apprend qu’il était en Allemagne mais les raisons sont inconnues. Il figure sur la liste des personnes françaises rapatriées en France et à Blâmont le 6 mai 1915. Plus tard il participe lui aussi mobilisé contre l’Allemagne. Il rejoint Bourbonne-les-Bains entre le 22 avril 1918 et le 30 mars 1921. Il devient caporal en 1919 et sergent en 1921. A son retour de la guerre il vit chez ses parents dans la maison de la rue Traversière à Blâmont.

Après la guerre son père Eugène Campion retrouve la vie civile. Il est alors industriel, patron de son entreprise, puis devient directeur d’usine pour l’entreprise Labourel, fabrique de fourches à Blâmont.

Une info de l’Est Républicain en 1922 : le 24 avril Eugène est juré d’assises pour deux procès à Lunéville. On apprend beaucoup de détails d’une vie dans les archives de presse !

1939 – 1945

1939. Seconde guerre mondiale. Etienne Campion part à nouveau en campagne contre l’Allemagne, toujours en Haute-Marne, et revient sain et sauf. Toutefois le malheur continue de s’abattre sur la famille. En juillet 1940 Lucie et Eugène Campion quittent Blâmont pour se réfugier en zone libre. Ils se rendent dans l’Allier et habitent momentanément à Chevagnes. Le 22 juillet ils prennent la route accompagnés d’Emile Parentin, Gérard André et Gérard Marcel tous les trois originaires de Repaix (près de Blâmont en Meurthe-et-Moselle). La pluie rend la route glissante. La voiture percute un arbre et prend feu. Seules deux personnes survivent à l’accident : Gérard Marcel et Eugène Campion. Sa femme Lucie Séliquer décède dans cet accident le 22 juillet 1940.

Avant la fin de la guerre Eugène est de retour à Blâmont. Il y retrouve son fils Etienne qui revient des combats de Haute-Marne. Blâmont n’est pas encore libérée. Les allemands sont toujours présents et bombardent la ville. Le 12 novembre 30 000 obus tombent sur les maisons, l’hôpital ou l’église. D’après le maire Jean Crouzier 90% des habitations sont endommagées. La nuit du 15 novembre sera fatale. Les bombardements sont incessants. La ville compte plusieurs victimes civiles et des morts, dont Etienne Campion. Il décède cette nuit du 15 novembre 1944 à 22h00 dans la maison du 12 rue Traversière entouré de son père Eugène et du docteur Maurice Thomas.

Blâmont quant à elle sera libérée quelques jours plus tard le 18 novembre 1944 à 12h10 avec l’arrivée des premiers soldats américains.

Blâmont après la Libération en 1944. Photo : Blâmont.info

Quant à Eugène Campion, seul et dont on ne peut imaginer la tristesse, a 78 ans en 1945. Il décide de vendre la maison de la rue Traversière à Charles Auguste Munch, marchand de bestiaux à Blâmont.

Il décède rue du 18 novembre le 11 février 1948.

Pour aller plus loin

Quelques astuces généalogiques et bien-sûr les sources utilisées pour ces recherches généalogiques et la rédaction de cet article.

  • L’arbre généalogique de la famille Campion sur Généanet ;
  • Archives départementales de Meurthe-et-Moselle (pour l’état civil) ;
  • Archives départementales de l’Allier (article de presse). J’en profite pour remercier leur équipe très réactive ;
  • Archives départementales de Haute-Marne pour le registre militaire de Robert Campion ;
  • L’état civil des communes, un incontournable des généalogistes ! Ici l’état civil de la commune de Blâmont pour les actes plus récents (début du 20ème siècle) ;
  • A noter : souvent les sites des communes regorgent de trésors grâce aux maires, équipes municipales ou bénévoles qui se mobilisent pour préserver la mémoire de leur commune. Pensez-y si vous vous lancez dans des recherches généalogiques. Cela peut être très utile. C’est la cas ici avec la ville de Blâmont et de l’excellent travail trouvé sur ce site : Blâmont.info.

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